jeudi 12 octobre 2017

Comment tuer la Sécu




Il y a bien des manières, mais il en est une douce, discrète et hypocrite. Elle consiste à dire au bon peuple qu’on va lui donner du pouvoir d’achat en abaissant, voire en supprimant, les cotisations sociales (et patronales, tant qu’on y est).

Lorsqu’Ambroise Croizat (et non Pierre Laroque ou Alexandre Parodi) crée la Sécu, son objectif est de « mettre fin à l’obsession de la misère ». Soixante-dix ans après, alors que la France s’est considérablement enrichie, la misère est là. Pas seulement son spectre ou son « obsession ».

La droite et la bourgeoisie française – relayés par les médecins libéraux – n’ont jamais accepté la Sécurité sociale. Elles n’ont cessé de lui flanquer des coups de boutoirs pour l’affaiblir et la dénaturer. Un exemple : en 1967, les ordonnances du gouvernement Pompidou, sous De Gaulle, démantèlent la Sécu en séparant des domaines désormais distincts et autonomes : maladie, famille, vieillesse. Le patronat exige et obtient un paritarisme strict entre ceux qu’on n’appelle pas encore systématiquement les « partenaires sociaux » qui auront dès lors le même nombre de représentants dans les conseils d’administration. Les ordonnances suppriment par ailleurs les élections des administrateurs salariés qui seront désormais désignés. En d’autres termes, la Sécu qui gère désormais le salaire différé des travailleurs est dominée par les patrons.

Le grand problème est effectivement celui du salaire différé. Les cotisations sont toutes du salaire. Différé. Un salaire que l’on touche à côté du salaire proprement dit ou quand on part en retraite. Accepter aujourd’hui 2% du pouvoir d’achat en plus par l'abaissement ou la suppression des cotisations c’est accepter des soins toujours de moins en moins gratuits et des pensions toujours de plus en plus faibles. La cotisation est le fondement de la Sécu. Pour simplifier, elles signifient : « je suis malade, tu payes ; tu es malade, je paye ; je travaille, je paye ta retraite ; tu travailles, je vis une retraite décente ». Les cotisations sont l’alpha et l’oméga de la solidarité entre les assurés contemporains et intergénérationnels.

Depuis les attaques de De Gaulle, les menées n’ont cessé, de droite comme de gauche. Après les plans Barre, la création de la CSG par Rocard, nous eûmes Georgina Dufoix qui inventa les déremboursements des médicaments, les lois Veil et Balladur imposant l’allongement de la cotisation, les mesures de Juppé et de Raffarin contre les retraites, les lois scélérates de Jospin en 2001 imposant les normes européennes aux mutuelles, l’ordonnance Douste-Blazy de 2004 (le Conseil d'administration de la Cnam devient le Conseil de la Cnam, ce qui permet le retour du Medef, qui avait quitté les caisses le 1er octobre 2001, provoquant pendant 3 années une grave crise du paritarisme), les lois Bachelot confiant le pilotage de la protection sociale aux « préfets sanitaires » des agences régionales de santé. Pour couronner le tout, en 2013, la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés par le biais d'une mutualité d’entreprise qui installera bien sur ses rails la privatisation du système.



Comment tuer la Sécu 

Avec le banquier Macron – relais direct du grand patronat – aux commandes, nous assistons désormais à une attaque frontale. Les assurés sont victimes d’une amputation directe du salaire dont la cotisation fait partie. La cotisation est la seule création de richesse qui va directement du cotisant au travailleur dans sa vie sans passer par les dividendes des actionnaires. Il serait en outre illusoire de croire que l’allègement des cotisations bénéficie à l’investissement ou qu'il est source de créations d’emplois : il ira gonfler les dividendes.

En bref, réduire ou supprimer les cotisations, c’est tuer le principe de solidarité, brader le système au privé, enclencher la misère.

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