samedi 23 septembre 2017

Au jour d’aujourd’hui



 J’assistais récemment à un exposé d’une proviseuse de lycée sur la bonne marche de son établissement. Femme d’expérience, cette responsable s’exprimait avec aisance. Elle défendait l’école publique avec conviction (à Lyon, de par la faute de Collomb, le privé a le vent en poupe). Elle s'inscrivait en gros dans la mouvance Vallaud-Belkacemienne (des mauvaises langues murmuraient qu'elle préparait la fusion de son établissement avec un plus gros, mutualisation des moyens obligeant). Son discours était précis, clair, mais parsemé de tics de langage qui laissait bien entendre que, malgré sa maestria, elle ne contrôlait pas tout et que, comme disait Lacan, elle était dans la langue. Nous eûmes droit, ad nauseam, à l’anglicisme totalement inutile et appauvrissant « dédié », à « problématique » à la place de « problème » et, à de nombreuses reprises, l’expression « au jour d’aujourd’hui ».


Attestée dès le début du XVIIIe siècle, cette locution est doublement redondante. C’est une tautologie puisque dans « au jour d’hui », « hui » signifie « le jour présent».


Si l’on décortique, « aujourd’hui » – vocable du XIIe siècle – est une contraction de « à le jour d’hui » où « le » a le sens d’un démonstratif (comme dans « Le Mans » – on ne devrait pas dire « Je vais au Mans » mais « à Le Mans », ou encore « les 24 heures de Le Mans »). Dans l’ancien français, « hui » ou « hoi » signifie « le jour où l’on est ». Ces vocables sont dérivés du latin « hodie », contraction de « ho die ». Si l’on se réfère aux langues qui nous entourent, le redondant « aujourd’hui » est bien singulier. Les Anglais disent « today » (en ce jour). Même sens pour l’allemand «heute », le néerlandais « vandaag » et le russe « сегодня ». Les Espagnols se contentent de « hoy », les Portugais de « hoje » et les Italiens de « oggi ».


« Au jour d’aujourd’hui » signifie donc « en ce jour du jour d’aujourd’hui ». Ce qui est lourdaud, surtout pour un chef d’établissement.



Au jour d’aujourd’hui

N’étant pas sociolinguiste, je suis obligé de faire appel, avec beaucoup de prudence, à mes lointains souvenirs. Il me semble que, quand j’étais enfant il y a une soixantaine d’années, « au jour d’aujourd’hui » était utilisé, dans un souci d’hyper correction, par des prolétaires, des « illettrés » qui, comme disait Macron, « n’avaient peut-être même pas le permis de conduire ». De nos jours, l’expression est employée par des bourgeois éduqués, un peu pour faire peuple, mais surtout parce que, dans le monde bobo consensuel où tout se vaut, où il faut être « et de droite et de gauche », où l’on utilise le gentil « en même temps » à la place du contredisant « par contre », « au jour d’aujourd’hui » délaye la sauce alors qu’il se prétend assertif.

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