dimanche 11 juin 2017

Theresa May et l’impôt sur la démence


Le problème avec la maladie d’Alzheimer c’est qu’elle frappe prioritairement les personnes âgées. Et que, quand elles n’ont pas oublié où se trouve le bureau de vote, ces mêmes personnes glissent dans l’urne un bulletin conservateur (il y a 8 millions de retraités outre-Manche qui votent conservateur à 68% chez les plus de 65 ans). Enfin, on a affaire à des personnes retraitées pour qui les pensions françaises, pourtant de plus en plus congrues, représentent malgré tout une forme d’eldorado. Alors quand une responsable politique s’en prend à ces gens particulièrement vulnérables, comme vient de le faire la Première ministre britannique (qui n’est pas, pour l'instant, visée par un impôt sur les poches sous les yeux), il ne faut pas s’étonner qu'elle ait pu subir un revers qui, en fin de compte, n’est pas trop cher payé.

Theresa May s’apprêtait à imposer aux retraités des sacrifices douloureux. Elle avait ainsi décidé de supprimer la garantie d'augmentation des retraites de 2,5% minimum par an mise en place par son gauchiste de prédécesseur David Cameron. Elle avait par ailleurs prévu que les frais pour les retraités nécessitant des soins à domicile tiendraient compte de la valeur de leur résidence. Enfin, l’allocation de 300 livres versée aux retraités pour l’achat de fuel aurait été accordée en fonction de leurs moyens.

Quant à l’impôt sur la démence (dementia tax), il s’agissait d’une mesure (une « réforme » auraient dit les Macroniens) particulièrement violente. L’idée étant que toute personne recevant des soins dans la maison dont elle est propriétaire rembourserait l’État, post-mortem, par la vente de sa maison. Avec, reconnaissons-le, une franchise de 100 000 livres.


Theresa May et l’impôt sur la démence

Les réactions, dans le camp de Teresa n’ont pas tardé. Avec le courage qui le caractérise, Boris Johnson a affirmé qu’il n’était au courant de rien. Des députés de base ont proclamé que les auteurs de ces réformes devraient être fusillé (il s'agit en fait des chefs de cabinet de May, qui ont dû démissionner). Le parti conservateur a également acheté une page de publicité à Google pour que, lorsque l’on recherche « dementia tax », on tombe sur « une prétendue dementia tax ». Avant le vote du 8 juin, les proches de Teresa May ont demandé aux électeurs de voter conservateurs car un bon rapport de forces dans les négociations sur le Brexit permettrait – disaient-ils – de financer les services publics, celui de la santé en particulier.

C’est ainsi que, dans l’un des pays les plus riches de la planète, on traite les gens modestes et les malades. L’hyper-bourgeoisie et ses hommes et femmes de paille qui régentent les vies outre-Manche se permettent tout, laissent libre cours à leur imagination mortifère.

PS : Récemment, j’accompagnais des élèves de quatorze ans (issus de familles plutôt de droite) et leur professeur d’histoire sur la colline de la Croix-Rousse, celle des canuts, à Lyon. Le conférencier (auto-entrepreneur, soit dit en passant) expliqua que, vers 1835, dans les ateliers à tisser, des enfants de six ans travaillaient seize heures par jour, sept jours par semaine. Sans hygiène, dans un bruit infernal qui les rendaient sourds, avec une espérance de vie de trente cinq ans. Les petits Lyonnais d'aujourd'hui furent horrifiés. Discrètement, je demandai à quelques-uns si leur professeur leur avait expliqué pourquoi eux-mêmes n’avaient pas à subir cette vie effroyable. Apparemment, l’enseignant n’était pas très familier de l’expression « luttes sociales ». C'est cela qui nous tue, génération après génération : l'impossibilité à appréhender le continuum historique.

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