jeudi 27 avril 2017

Rien n'est jamais acquis, en Iran comme ailleurs


Lorsque Khomnei et les religieux intégristes ont pris le pouvoir en Iran, les femmes surent exactement ce qui allait leur tomber dessus : l'enfermement, l'inégalité, la mise sous tutelle. Elles manifestèrent en masse pour protester contre l'obligation du port du tchador. C'était il y a presque quarante ans.

Aujourd'hui, en France, en Grande-Bretagne, au Canada, en Suède et dans des dizaines d'autres pays, des femmes portent plus ou moins volontairement ce symbole de régression. Mais la différence entre elles et leurs sœur iraniennes, c'est qu'elles ont la liberté de changer de tenue, de se réapproprier la mode occidentale parce qu'elles vivent dans des pays de liberté. Leurs sœurs iraniennes qui tentèrent cette gageure subirent le fouet, des peines de prison, la perte de l'autorité parentale.
Rien n'est jamais acquis, en Iran comme ailleurs

Cette photo m'a fait penser à une anecdote du début des années soixante-dix. Un de mes amis décide de s'offrir le voyage, mythique et très à la mode à l'époque, vers Katmandou. Il passe par l'Iran. Le pays est gouverné par un empereur, ou chah, Mohammad Reza Pahlavi. La dictature est implacable. Une police politique, la Savak (fondée avec l'aide de la CIA et du Mossad), emprisonne, torture et exécute les opposants. Lorsque Khomeini prendra le pouvoir, il fera exécuter des milliers d'agents de la Savak, feignant d'oublier que cette entreprise terroriste d'État l'avait épargné. Et il instaurera sa propre police politique, la Savama (Organisation du renseignement et de la sécurité de la nation iranienne).

Pendant des années, notre cher Chah nous a bassiné avec les problèmes de stérilité de sa deuxième femme Soraya (il avait été précédemment marié à une Égyptienne qu'il n'avait jamais rencontrée avant la noce et qui lui avait donné une fille). Dans les années cinquante, ces problèmes firent les choux gras d'hebdomadaires comme France Dimanche ou Paris Match qui avaient un contrat avec la cour iranienne : ils avaient leur entrée libre au palais, ils pouvaient broder sur le privé du souverain et de sa femme mais ne devaient en aucun cas parler politique. Accord qu'ils respectèrent scrupuleusement pendant que la Savak torturait.

Mais revenons à l'anecdote. Mon ami traverse l'Iran en autocar, dans la direction de l'Afghanistan. Juste avant d'arriver à la frontière entre les deux pays, il fait la connaissance d'un étudiant iranien parlant le français et qui a goûté aux joies des geôles de la Savak. Mon ami veut l'interroger sur ses peines récentes. “ D'accord, mais on fait cinq kilomètres et on franchit la frontière ” (non matérialisée). “ En Afghanistan, dit-il, je pourrai te parler ”. Et il ajoute que ce pays est une terre de liberté, en particulier pour les citadins éduqués.

Quelques heures plus tard, les deux hommes se quittent, non sans que l'étudiant iranien ait donné à mon ami l'adresse d'un de ses collègues susceptible de l'héberger à Kaboul. “ Tu trouveras facilement, c'est juste à côté du lycée français ”.

En théorie, un lycée français ne scolarise pas de lycéens originaires du pays où il est implanté. Mais il y a des binationaux et puis des arrangements, si bien que le lycée français de Kaboul comptait forcément des lycéens – et lycéennes – afghans et afghanes. Quelle ne fut pas la surprise de mon ami de découvrir à la sortie du lycée des garçons aux cheveux longs et des filles en mini-jupes ! 

C'était il y a quarante-cinq ans. Comme on disait à l'époque, le corps des femmes n'était pas un champ de bataille.

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