vendredi 8 novembre 2013

Université : deux projets insensés

Fioraso était autant faite pour être ministre de l'enseignement supérieur que moi pour être danseur étoile. Mais là, c'est le pompon. Merci à Pierre Dubois de nous alerter :


Honte immense et fou rire inextinguible à la lecture de deux textes soumis à consultation depuis hier et jusqu’au 25 novembre 2013 : la nouvelle version de l’arrêté sur le Cadre national des formationset le Cahier des charges de l’accréditation. J’en ai perdu mon latin !

A la rentrée 2014, ces textes, s’ils sont publiés, feront fi de neuf siècles d’histoire universitaire. Les bacheliers 2014 ne pourront plus s’inscrire en licences de Lettres classiques ou de Lettres modernes, mais seulement en Lettres. Pourront-ils encore suivre des cours de latin, de grec, de français ? Ces termes, oh combien symboliques de l’histoire de l’université médiévale, moderne et contemporaine, auront été rayés, d’un trait de plume, de la nomenclature des diplômes. Français, latin, grec ne figurent pas davantage dans les mentions de Master.


Tout aussi sot. Le bachelier pourra s’inscrire en licence de Lettres et Langues, de Langues étrangères appliquées, ou de Langues, littératures et civilisations étrangères, mais il ne pourra s’inscrire en licence d’anglais, d’espagnol, d’allemand ou de chinois. Le choix de telle ou telle langue ne figure pas davantage dans la fort longue liste des mentions de master. Langues vivantes devenues mortes.Langues rares, spécialités reconnues de certaines universités, envoyées aux oubliettes par le vent d’une modernité vomitive. Par contre, l’étudiant titulaire de la licence pourra s’inscrire dans unmaster Mode ou un master Design !

Mais revenons au texte sur le cadre national des formations. Le projet d’arrêté comprend la liste des mentions des diplômes nationaux regroupés par grands domaines ainsi que les règles relatives à l’organisation des formations.

Objectif de ce cadrage national : l’intitulé d’un diplôme répond à une dénomination nationale précisant le domaine et la mention concernés. Les dénominations nationales assurent la lisibilité du dispositif national pour les étudiants, les partenaires professionnels et le monde scientifique, en France et à l’étranger.

Ce texte est d’une imbécillité exceptionnelle dans l’histoire de l’Université de France. Le MESR et la DGESIP ont perdu (définitivement ?) le sens des réalités.

Simplification et lisibilité de l’architecture des diplômes ? De qui se moque-t-on ? Au lieu d’unearchitecture à quatre niveaux instaurée en 2002 (domaines de formation, mentions, spécialités, parcours de formation), on passerait à une architecture à deux niveaux (domaines et mentions). Superbe lâcheté du texte : la question de la sélection à l’entrée de la 1ère année de master M1 (et non à l’entrée du M2 comme actuellement) est soigneusement oubliée.


La liste des mentions (en annexe du projet) est pire qu’une liste à la Prévert : la DGESIP a en effet fait remonter les spécialités dans les mentions et elle confie aux universités autonomes le soin d’organiser des parcours types au sein de chacune des mentions. Les tensions entre règles nationales (bureaucratie d’un État jacobin) et autonomie pédagogique des universités (reconnue depuis la loi 1968 !) affleurent dans chacun des articles de l’arrêté. Combien de mentions en licences professionnelles ? 235. Oui, 235. Et on parle d’une meilleure lisibilité pour les employeurs ! Les auteurs de cette liste abracadabrantesque sont fous à lier.

Ce projet d’arrêté pue le lobbying à fond ! En licence, quelle est la différence entre une mention Humanités et une mention Sciences sociales ? En master, pourquoi il y aurait 26 mentions en Droit et une seule en Psychologie ?

Et la plus belle des âneries pour le bouquet final ! Ni en licence, ni en master ne figurent, dans l’arrêté, des formations de Médecine, de  Pharmacie, Odontologie. En master, 26 mentions de droit en master, 0 mention de médecine. A moins que les formations en Sciences de la santé ne fassent l’objet d’un arrêté à part ? Quelle légitimité pour une telle inégalité de traitement entre disciplines ?

Ouvrons grandes les portes des urgences dans les Hôpitaux universitaires : il devrait y avoir affluence en provenance du MESR, de son cabinet et de son administration centrale !

Le CNESER sera consulté en décembre 2013 sur ces deux textes. S’il vote pour, j’en perdrai non seulement mon latin mais aussi mon grec !

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